Mal embarquée
Publié par 10lunes le 4 octobre 2016 dans Après
Elle pleure, que dis-je elle sanglote, crescendo, depuis une bonne demi-heure.
Toutes mes tentatives d’apaisement, bonnes paroles, réassurances, propositions diverses sont tombées à plat
La fin de son congé maternité se profile et l’idée de confier son enfant à la garde d’une « étrangère », étrangère pourtant déjà connue et à qui elle accorde toute sa confiance, cette idée lui est insupportable.
Je rame sur un océan de larmes avec toute mon empathie mais rien n’y fait. Le ressac nous emporte toujours plus loin.
Je m’interroge maintenant sur une possible dépression, suggère une consultation avec la psychologue de la maternité, un avis de son médecin traitant, un possible arrêt de travail pour différer un peu le moment tant redouté et s’y préparer mieux.
Chacune de mes propositions tombe à plat.
La tempête enfle au rythme de mon impuissance.
Tassée dans le fauteuil, elle s’agrippe à la boite de mouchoir, seule bouée que j’ai su lui trouver.
Je suis le mauvais capitaine d’un mauvais ersatz de l’Abeille Flandre et je sens bien que je ne vais rien sauver.
A mon énième proposition inutile, elle me coupe sèchement :
– Tu ne m’aides pas là !
Ses sanglots s’apaisent, mais c’est parce qu’elle n’a plus envie de les partager avec moi.
Je m’inquiète pour elle et parviens à lui extorquer la promesse de nous revoir rapidement.
Elle différera ensuite ce rendez-vous sous un prétexte quelconque. Mais elle accepte de revenir un peu plus tard. Je ne l’avais pas anticipé mais elle si ; cet « un peu plus tard », ce sera après la reprise de son travail.
Entre temps, j’ai repassé en boucle cet entretien, mon inefficacité palpable et me suis promis de m’en excuser auprès d’elle.
Elle arrive, souriante et dynamique, comme je l’ai – presque – toujours connue.
Elle raconte ses retrouvailles avec ses collègues, le plaisir de son métier, les petits et grands bonheurs vécus avec son enfant. Tout va bien.
Je dis mon regret de n’avoir pas su la soutenir dans les semaines précédentes.
Elle s’engouffre dans la brèche :
– Je ne savais pas comment te le dire mais je voulais en reparler aujourd’hui parce que tu as été nulle.
« Nulle », elle ne l’a pas dit comme ça, c’était moins violemment exprimé mais si je ne me souviens plus des mots exacts, j’ai bien leur sens en mémoire.
Et puis elle m’a expliqué et la leçon fût claire.
– Plus tu cherchais des réponses et plus je me sentais mal.
J’avais juste besoin de t’entendre dire que c’était normal d’être triste à l’idée de me séparer de mon bébé.